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ÉQUITÉ ET ACCÈS EN MATIÈRE DE SOINS DE LA VUE

Créé par Tommy Douglas en Saskatchewan dans les années 1960, le système de soins de santé du Canada fait depuis lors la fierté de notre pays[1]. Néanmoins, de nombreux commentateurs et analystes des politiques ne manquent pas de faire remarquer que notre système a mal vieilli, particulièrement en ce qui a trait au traitement des maladies chroniques, à la tenue de dossiers électroniques, à l’accès aux soins pharmaceutiques, à l’adoption de thérapies géniques et d’autres traitements personnalisés, ainsi que dans d’autres domaines.

Parallèlement, les soins de santé étant assurés par chaque province ou territoire canadien – soit, dans les faits, treize microsystèmes distincts –, des problèmes et des disparités ont entraîné des inégalités en matière de soins dans certains contextes. Nos systèmes de réglementation ont eux aussi leurs particularités : ainsi, les nouveaux traitements sont soumis à l’approbation de quatre agences fédérales avant que des recommandations soient transmises aux provinces et aux territoires à des fins de financement public. Ce cadre vise à garantir la sécurité et le rapport coût-efficacité des médicaments et des technologies, mais il reste que le Canada adopte les nouveaux traitements plus tardivement que nombre d’autres pays.

Ces systèmes affectent les Canadiennes et Canadiens vivant avec une perte de la vision à divers égards – parfois favorablement, si un traitement s’avère largement accessible et pris en charge. Mais plusieurs aspects de notre recherche en santé de la vision et de notre système de santé doivent évoluer et recevoir du soutien, notamment les essais cliniques, les nouveaux médicaments destinés à traiter les maladies rares et, plus généralement, la recherche et le développement. S’appuyant sur des réponses à un sondage réalisé au sein de la communauté des personnes touchées par la perte de la vision (patientes et patients, proches aidants, travailleuses et travailleurs de la santé, chercheuses et chercheurs, etc.), ce livre blanc profite du caractère symbolique de l’année 2020 pour faire le point sur les questions d’accès et d’équité en matière de soins de la vue au Canada. Il vise en outre à déterminer les possibilités d’amélioration à l’aube d’une nouvelle décennie pleine de promesses pour les sciences de la vision et l’élaboration de politiques dans ce domaine.

Accès aux traitements et services actuels

Le Canada est le seul pays industrialisé dont le système de soins de santé universel ne dispose pas d’un régime d’assurance-médicaments universel. Des régimes publics spécialisés sont proposés aux personnes qui se trouvent dans certaines catégories ou situations et s’ajoutent aux nombreux régimes privés. Si environ 80 % des Canadiennes et Canadiens sont couverts, cette offre hétéroclite prive un cinquième de la population du pays d’assurance-médicaments ou d’un régime adapté[2]. Ce fragment comprend bien sûr des personnes qui ont besoin de médicaments pour traiter leurs troubles de la vision, par exemple les patientes et patients atteints de glaucome, de rétinopathie diabétique, de dégénérescence maculaire liée à l’âge, etc. Évoquant le régime d’assurance-médicaments ou la création de nouveaux programmes publics, de nombreux membres de la communauté ont souligné l’importance d’étendre la couverture aux personnes qui peinent actuellement à accéder aux traitements existants, et ce, quelle que soit leur situation socioéconomique.

Il existe en outre d’autres obstacles qui privent certains patients et patientes d’un accès équitable aux soins. Plusieurs membres de la communauté ont cité le transport parmi les obstacles majeurs, en particulier pour les personnes vivant dans les régions rurales et isolées du Canada. Les patientes et patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) exsudative ou d’œdème maculaire diabétique (OMD), par exemple, dépendent d’injections de médicament anti-VEGF mensuelles à trimestrielles pour atténuer leur perte de vision. Les déplacements peuvent rudement mettre à l’épreuve ces patientes et patients ou d’autres personnes vivant des situations similaires, ainsi que les proches aidants qui prennent souvent des journées de congé pour les accompagner. Pour ces raisons notamment, l’accès équitable aux services et aux médicaments existants constitue une préoccupation majeure pour les personnes vivant dans les régions les plus isolées du Canada.

La réadaptation visuelle est un aspect fondamental des soins de la vision, et l’accès à ces services pourrait lui aussi s’améliorer. Dans les cas où les traitements sont inexistants ou non souhaités, les ressources aidant les patientes et patients à vivre avec leur perte de la vision, par exemple des cannes blanches, des chiens-guides et des technologies et services d’assistance s’avèrent essentiels. Bien souvent, des membres de la communauté sollicitent ces services auprès d’organismes de bienfaisance tels que la Fondation INCA et BALANCE for Blind Adults. Mais dans les cas où des personnes souffrant de perte de la vision éprouvent des difficultés pour accéder à la réadaptation (en raison d’obstacles liés au transport, à la santé mentale, à l’isolation, etc.), elles risquent de se retrouver confrontées aux nombreux problèmes notoirement associés à la perte de la vision : isolement social, dépression, chutes graves[3], etc. Si l’accès aux traitements actuels doit être facilité à compter de 2020, l’accès aux services de réadaptation destinés aux personnes malvoyantes ne doit pas être négligé.

Il est prouvé que les examens de routine jouent un rôle essentiel dans la prévention de la perte de la vision[4]. Diagnostiquées suffisamment tôt, certaines maladies oculaires peuvent être soignées avec efficacité sans avoir recours à des traitements coûteux et parfois invasifs. Pour les maladies dont les symptômes sont difficiles, voire impossibles à détecter lors de la phase précoce (celles que l’on surnomme les « voleuses silencieuses de la vue » comme le glaucome), un dépistage précoce est fondamental et peut sauver la vue. Malheureusement, les examens de routine ne font pas l’objet d’une couverture équitable dans tout le pays, chaque province ou territoire appliquant ses propres politiques et couvrant en règle générale seulement les groupes d’âge les plus à risque. Des recherches poussées indiquent qu’une couverture insuffisante des examens de routine, même chez les groupes moins à risque, peut entraîner des conséquences dangereuses et imprévues pour la communauté des personnes touchées par la perte de la vision[5]. Ces recherches devraient orienter la conception de plans d’une grande portée visant à pratiquer des examens de la vue complets sur le plus grand nombre possible de Canadiennes et Canadiens.

Les optométristes sont souvent perçus comme les intervenants de première ligne de notre système de soins de la vue. Qu’une patiente ou un patient souffre de myopie ou d’une maladie d’origine génétique, sa première personne-ressource est généralement un optométriste ou un médecin de famille. L’année 2020 fournit l’occasion d’envisager la façon dont l’optométrie et d’autres domaines, notamment l’éducation, les diagnostics, les services aux malvoyants et d’autres aspects essentiels du soin peuvent être entièrement intégrés au continuum des soins de la vue. Dans bien des domaines, par exemple les examens génétiques, notre pays dispose d’ores et déjà d’une vaste expertise; mettre à profit cette expertise au moyen d’efforts de coordination et d’intégration suffirait à renforcer ces domaines. Nos régimes d’assurance peuvent également jouer un rôle à cet égard, en remboursant non seulement les traitements jugés nécessaires, mais aussi les services de dépistage et d’atténuation de la perte de la vision avant le recours au traitement. Notre système de santé économiserait des millions de dollars en adoptant une approche « en amont » des soins de la vue.

Cadres réglementaires et accès aux traitements innovants

Les nouveaux traitements susceptibles d’être mis en marché au Canada sont d’abord examinés par Santé Canada, qui s’appuie sur les données cliniques et d’autres données probantes pour déterminer si un médicament ou une technologie répond aux normes de sécurité et d’efficacité en vigueur. Ensuite, le traitement est évalué par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB), qui en étudie le prix relativement à d’autres traitements et contextes. Le CEPMB a pour mission de protéger les patientes et patients contre les prix excessifs et établit un prix plafond pour les nouveaux traitements brevetés mis en marché au Canada. Après avoir reçu l’approbation de Santé Canada et un prix plafond du CEPMB, le traitement obtient le feu vert pour être vendu et administré au Canada, mais ne figure à cette étape dans aucun des régimes provinciaux ou territoriaux du pays. Le traitement doit pour cela être examiné par l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) et par l’Institut fédéral d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) au Québec, qui le soumettent à une évaluation des technologies de la santé afin d’en déterminer la valeur thérapeutique et le rapport coût-efficacité. Ces organismes formulent ensuite des recommandations à l’intention des provinces et des territoires en ce qui a trait à l’intégration éventuelle du traitement aux régimes publics d’assurance.

Si nos provinces et territoires décident d’intégrer le traitement (elles le font presque systématiquement si l’ACMTS ou l’INESSS le recommandent), des négociations de prix ont alors lieu entre les sociétés concernées et l’Alliance pancanadienne pharmaceutique (APP), qui établit le tarif en vigueur dans le cadre des régimes publics. Ce processus peut s’avérer long et difficile, le rapport de forces étant souvent favorable aux sociétés pharmaceutiques qui tentent de négocier un prix égal ou à peine inférieur au prix plafond du CEPMB, surtout dans le cas de figure où le médicament ou la technologie en question répond à un besoin non satisfait.

Faisant appel à Santé Canada, au CEPMB, à l’ACMTS, à l’INESSS et à l’APP, le mécanisme réglementaire canadien est conçu pour protéger les consommateurs et garantir le meilleur accès possible aux nouveaux traitements. Notre système est certes complexe, mais sans doute moins que ceux d’autres pays, notamment les États-Unis[6]. À certains égards, la complexité de ce mécanisme vise à assurer un examen rigoureux et à prévenir la mise en marché de médicaments dangereux au Canada. Depuis l’adoption de la loi sur les aliments et drogues en 1920, le mécanisme a évolué en se souciant constamment de la protection et de la sécurité des citoyennes et citoyens canadiens.

Cependant, il ne fait guère de doute que certaines sociétés en ont assez de soumettre leurs produits aux multiples étapes d’un processus long et rigoureux. De nombreux médicaments brevetés sont ainsi mis en marché au Canada plus tardivement que dans d’autres pays de l’OCDE, voire pas du tout. Nous devons continuer à évaluer notre cadre réglementaire de façon à cerner les principaux secteurs qui requièrent une efficacité, une harmonisation et une optimisation accrues. Voilà qui s’avère fondamental au chapitre de la vision, où le portefeuille des thérapies géniques semble particulièrement fourni. Nous devons absolument gagner en efficacité afin de nous assurer que les Canadiennes et Canadiens, en particulier celles et ceux qui souffrent de maladies héréditaires, ne perdent pas la possibilité d’accéder aux traitements actuels ou en développement qui pourraient changer leur vie.

À titre d’exemple, le marché émergent des médicaments biosimilaires est un domaine qui profiterait d’efforts coordonnés et d’une rationalisation accrue. Les médicaments biologiques sont produits à partir d’une cellule, d’un organisme vivant ou dérivés de ceux-ci : en soins de la vision, les injections de médicament anti-VEGF destinées à traiter la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) exsudative et l’œdème maculaire diabétique (OMD) en offrent un bon exemple. On peut considérer les biosimilaires comme la version générique des médicaments biologiques, bien qu’ils ne soient pas identiques aux médicaments de référence de la même manière que les génériques conventionnels. Mais les biosimilaires recèlent un potentiel similaire à celui des versions génériques des médicaments de synthèse qui, dans les années 1980, ont transformé le marché en réduisant les prix au Canada et partout dans le monde. L’ACMTS révise à l’heure actuelle ses pratiques relatives aux biosimilaires en tentant de trouver des façons d’accélérer leur adoption au Canada. Comme dans d’autres domaines qui doivent faire l’objet d’une restructuration, les économies réalisées grâce aux biosimilaires pourraient être réinvesties dans le système public afin de renforcer l’équité et l’accès pour l’ensemble des Canadiennes et Canadiens.

Des révisions similaires s’imposent en ce qui a trait aux thérapies géniques, aux traitements innovants et à d’autres domaines clés dans lesquels nous accusons actuellement du retard. Notre objectif réglementaire pour la décennie qui s’amorce devrait consister à établir des mécanismes harmonieux et optimisés qui maintiennent les coûts au plus bas tout en favorisant le recours à des traitements innovants susceptibles de changer des vies. De nombreux membres de la communauté ont affirmé qu’il ne saurait y avoir de compromis entre, par exemple, la réduction des coûts et l’innovation. Efforçons-nous plutôt d’atteindre les objectifs de rentabilité et d’accès universel tout en favorisant un environnement d’innovation transformatrice, de recherche et d’essais cliniques – dans le domaine de la perte de la vision et pour toutes les autres catégories de maladies.

L’intégration des patientes et patients et de leurs perspectives à la prise de décisions réglementaires a représenté l’une des principales évolutions de la dernière décennie. Dans le cadre de mouvements plus larges de soins et de recherches axés sur le patient, des organismes comme l’ACMTS et le CEPMB consultent dorénavant les patientes et patients avant de recommander des produits précis ou d’engager des réformes. Ce projet est toutefois loin d’être complètement réalisé. Des mesures supplémentaires sont requises afin d’impliquer plus rigoureusement les patientes et patients dans la prise de décisions, et d’éviter la politique de pure forme que l’on observe dans les pires exemples de participation des patientes et patients.

Les patientes et patients doivent être consultés le plus tôt possible et leurs opinions doivent figurer de façon exhaustive dans les rapports. Les témoignages de ces interactions devraient être étudiés en parallèle (mais bien sûr distinctement) des données cliniques. L’ACMTS propose actuellement aux groupes de patientes et patients de fournir de la rétroaction concernant l’examen de médicaments et de technologies. Néanmoins, l’organisme a besoin de plus de temps à cette fin et, idéalement, de ressources visant à faciliter le travail complexe et exigeant de synthèse et de présentation des perspectives des patientes et patients. La recherche axée sur le patient ne doit pas se résumer à un slogan; elle doit être entretenue, pratiquée et finalement recevoir le soutien des principales institutions canadiennes. L’objectif commun consistant à fournir aux Canadiennes et Canadiens des traitements de la perte de la vision profitera considérablement de la pleine collaboration avec les patientes et patients qui possèdent une expérience vécue des maladies concernées.

Assurance-médicaments et autres innovations en matière de politiques

Fournir à la communauté touchée par une perte de vision un accès aux traitements et aux ressources dont elle a besoin constitue un engagement de taille. Le faire au sein d’un système de santé complexe qui peine souvent à fournir des soins externes à l’hôpital à certaines couches de la population s’avère d’autant plus difficile. Pour réaliser les progrès nécessaires en 2020 et au cours de la décennie, les parties prenantes au sein du gouvernement, de l’industrie, du monde de la recherche et des communautés de patients devront collaborer étroitement. Ce sentiment se dégage nettement dans la rétroaction fournie par la communauté touchée par la perte de la vision : nombre de personnes ont appelé à une collaboration accrue et renforcée, particulièrement du gouvernement et de l’industrie. D’autres ont fait part de sentiments d’impuissance et d’isolement devant les systèmes complexes et les organismes décisionnaires dont le fonctionnement semble très éloigné de l’expérience quotidienne des membres de la communauté. Mettre en place de nouvelles politiques progressistes mieux à même de refléter les nombreuses voix de notre pays exige que nous reconnaissions la valeur des perspectives de chacun.

La communauté touchée par une perte de vision et bien d’autres partout au pays sont régulièrement confrontées aux pénuries et aux retraits de médicaments. Ce problème est désormais si courant que le site Web de Santé Canada recense en ce moment près de 2000 médicaments en situation de pénurie. En conséquence, les cliniciens ont souvent du mal à trouver des médicaments de substitution adaptés et, dans bien des cas, les opérations et les traitements sont retardés, ce qui peut conduire à une aggravation du problème. Il s’agit d’une importante source de stress pour les patientes, les patients et les personnes aidantes. Le premier ministre a directement abordé le problème dans sa lettre de mandat à la nouvelle ministre de la Santé, précisant que l’on devait « faire en sorte que les Canadiennes et Canadiens [aient] accès aux médicaments dont ils ont besoin, en prenant des mesures en collaboration avec les fabricants, les provinces et les territoires, et d’autres intervenants dans le but de régler les pénuries de médicaments[7] ».

La possibilité d’un régime national d’assurance-médicaments constitue en outre une question prioritaire pour les responsables des politiques et les professionnels de la santé. Dans les conversations au sujet de l’avenir des soins de la vue au Canada (ou toute autre forme de soins, d’ailleurs), l’assurance-médicaments fait incontestablement figure d’éléphant dans la pièce. Pour ne rien arranger, la façon dont l’assurance-médicaments affectera les enjeux d’accès et d’équité dépend presque entièrement de la forme que prendra en dernier lieu notre régime national. Ces détails étant toujours en discussion, le rôle que jouera l’assurance-médicaments en matière d’équité et d’accès demeure incertain.

Malgré tout, la communauté touchée par une perte de vision a exprimé certains doutes et espoirs relativement à l’initiative d’une assurance-médicaments nationale. De nombreux membres de la communauté considèrent celle-ci avec optimisme, estimant qu’un régime efficace pourrait combler les lacunes actuelles au chapitre des soins pharmaceutiques. L’assurance-médicaments permettrait au Canada d’harmoniser sa politique avec celles d’autres pays industrialisés, et de réduire ou de pallier ses lacunes et ainsi s’assurer que celles et ceux qui dépendent de médicaments pour traiter des maladies oculaires et d’autres états ne sont pas laissés pour compte. D’autres s’inquiètent des conséquences d’une assurance-médicaments nationale en ce qui a trait aux supposés médicaments coûteux destinés au traitement des maladies rares. Un régime national pourrait faciliter l’accès aux médicaments d’emploi courant, mais certains craignent qu’il complique l’accès à des médicaments plus rares, particulièrement ceux destinés à de petites populations de patients.

À l’heure actuelle, chaque province et territoire canadien doit négocier avec l’industrie pharmaceutique pour son propre compte, bien que les démarches soient coordonnées par l’entremise de l’APP. Un régime national d’assurance-médicaments pourrait se traduire par un pouvoir d’achat accru, puisque l’ensemble du pays et non plus chaque province ou territoire négocierait alors l’accès. Certains membres de la communauté se réjouissent quant aux possibilités offertes par ce pouvoir de négociation renforcé, susceptible d’aboutir à une réduction du plafond des prix des médicaments au Canada, actuellement parmi les plus chers au monde pour les nouveaux médicaments comme pour les génériques[8]. D’autres craignent que des prix plus bas dissuadent les sociétés proposant des nouvelles classes de médicaments. Ces dernières requièrent d’importants investissements en recherche et développement, ce qui se répercute ensuite sur les prix établis par les sociétés. La question demeure : le fait d’obtenir de meilleurs prix empêchera-t-il la commercialisation au Canada de nouveaux médicaments et des technologies innovantes?

En parallèle, des membres de la communauté craignent qu’une assurance-médicaments nationale réduise la liste des médicaments remboursés ou en limite la prise en charge. Pour l’heure, chaque province ou territoire dispose de sa propre liste de technologies et de médicaments pris en charge dans le cadre de ses régimes publics. Parmi les nombreuses questions que soulève l’émergence d’un régime d’assurance-médicaments, il reste à déterminer si une liste de médicaments remboursés unique se révélerait aussi complète et avantageuse que les listes provinciales ou territoriales actuelles.

Qu’il s’agisse d’assurance-médicaments ou d’autres changements aux cadres stratégiques de la santé du Canada, de nombreux membres de la communauté touchée par la perte de la vision insistent sur l’importance d’une approche équilibrée en matière d’équité et d’accès, qui n’améliore pas l’accès aux dépens de l’innovation, ou vice versa. Autrement dit, les membres s’entendent pour affirmer que d’un côté, les technologies et les médicaments actuels doivent être largement accessibles à toutes et tous, ce qui n’est toujours pas le cas. D’un autre côté, il nous faut façonner un environnement scientifique et réglementaire favorable aux traitements innovants susceptibles d’améliorer la vie des patientes et patients, et ce, quelle que soit la taille du marché pour ces traitements. Les membres de la communauté souhaitent profiter de nouveaux traitements, mais sont découragés par les prix actuellement pratiqués. À compter de 2020, nos politiques et nos cadres devraient viser à améliorer l’accès dans les deux domaines. Pour schématiser, on ne devrait pas choisir entre la thérapie génique et les inhalateurs pour l’asthme. À l’inverse, les nouvelles politiques améliorant l’accès aux technologies de santé actuelles et émergentes bénéficient d’un large soutien.


[1] C.J. Redden, « Rationing Care in the Community: Engaging Citizens in Health Care Decision Making », Journal of Health Politics, Policy and Law, vol. 24, no 6, p. 1363-1389, 1999, doi:10.1215/03616878-24-6-1363.

[2] Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments, « Une ordonnance pour le Canada : l’assurance-médicaments pour tous », Ottawa (Ontario), Santé Canada, 2019.

[3] E.E. Freeman, J. Gresset, F. Djafari et al., « Cataract-Related Vision Loss and Depression in a Cohort of Patients Awaiting Cataract Surgery », Canadian Journal of Ophthalmology, vol. 44, no 2, p. 171-176, 2009, doi:10.3129/i09-001.

[4] Y. Jin, Y. Buys, J. Xiong et al., « Government-Insured Routine Eye Examinations and Prevalence of Nonrefractive Vision Problems among Elderly », Canadian Journal of Ophthalmology,vol. 48, no 3, p. 167-172, 2013, doi:10.1016/j.jcjo.2013.01.002.

[5] T. Kiran, A. Koop, R. Moineddin et al., « Unintended Consequences of Delisting Routine Eye Exams on Retinopathy Screening for People with Diabetes in Ontario, Canada », Canadian Journal of Ophthalmology, vol. 185, no 3, p. 167-173, 2013, doi.org/10.1503/cmaj.120862.

[6]  D.M. Berwick, A.D. Hackbarth, « Eliminating Waste in US Health Care », Journal of the American Medical Association, vol. 307, no 14, p. 1513-1516, 2012, doi:10.1001/jama.2012.362.

[7] https://pm.gc.ca/fr/lettres-de-mandat/lettre-de-mandat-de-la-ministre-de-la-sante

[8] L. Vogel, « Drug Pricing Reforms Promising but Problematic », Canadian Medical Association Journal, vol. 189, no 26, p. 899-900, 2017, doi : 10.1503/cmaj.1095436.

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